Proposition de motion – Point inscrit à la demande de Mme DUMOULIN, Cheffe de Groupe ECOLO

Monsieur le Bourgmestre,

Mesdames et Messieurs les membres du Collège,

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Je voudrais évoquer la loi du 24 juin 2013 de Madame la Ministre de l’intérieur relatif aux sanctions administratives communales, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2014. La ville devra faire évoluer son Règlement Zonal de Police et ses amendes administratives compte tenu de cette évolution législative.

Cette loi permet l’extension des sanctions administratives communales, notamment en termes d’âge (puisque des jeunes de 14 ans pourraient désormais être sanctionnés), de montant maximal de l’amende et de sanctions alternatives.

Cette loi a suscité une large opposition de la société civile et de nombreuses personnalités de l’ensemble du pays[1] qui ont dénoncé des problèmes de proportionnalité, d’égalité, de légalité et de stigmatisation de la jeunesse.

Nous ne rouvrirons pas ici les débats qui ont eu lieu au parlement fédéral, et durant lesquels les écologistes ont regretté que le gouvernement ait choisi un renfort des SAC au lieu d’un renfort de la Justice et que le fait d’attribuer des compétences judiciaires à un organe exécutif mette à mal l’égalité entre les citoyens, car les SAC ne seront sans doute pas appliquées de la même manière à Verviers, liège ou Charleroi.

 

Nous sommes convaincus que les SAC sont un outil utile et nécessaire dans la gestion de l’ordre public d’une commune et notamment la lutte contre les incivilités et nuisances. Les taxes sur la propreté et l’entretien de la voie publique ou sur le tapage nocturne[2], par exemple, sont utiles et, selon les chiffres que le Secrétaire communal m’a transmis, sont infligées et perçues[3].

Mais ces SAC ne sont pas l’outil adéquat pour pallier aux faiblesses de la Justice : ce sont avant tous les budgets et les moyens de la Justice et de l’Aide à la jeunesse qu’il faut renforcer, et pas le pouvoir des communes dans une matière qui n’est pas la leur.

Nous ne sommes donc pas contre les SAC, mais :

– contre leur extension à des infractions du code pénal jusque-là sanctionnée par la Justice, plus nombreuses et plus graves, au-delà des « simples » incivilités (le concept des infractions mixtes, par sa nature, est problématique au regard du principe de la séparation des pouvoirs (un organe exécutif se voit attribuer des compétences judiciaires) et par l’absence des garanties juridiques et de droits de la défense établis dans notre système judiciaire) ;

– contre l’abaissement de l’âge (le système des SAC envers les mineurs, d’ailleurs très rarement utilisé – non, ce n’est pas chez les jeunes que se retrouvent la majorité des citoyens qui commettent des incivilités – est inefficace et n’a pas de portée pédagogique de responsabilisation). A Verviers, il y a eu 21 médiations entamées à l’égard de mineurs.

– contre l’augmentation de l’amende (le montant actuel n’est pas très élevé, et l’augmentation proposée n’est pas très importante, mais il pose un problème d’équité entre les personnes précarisées pour qui l’amende est dissuasive et les personnes plus aisées pour qui l’amende est dérisoire) ;

– contre l’instauration de l’interdiction temporaire de lieu (il doit s’agir d’une prérogative judiciaire).

Nous sommes par ailleurs pour un meilleur encadrement de ces SAC et pour l’obligation de prévoir des alternatives à l’amende dans l’arsenal de sanctions (médiation et prestation citoyenne (travail d’intérêt général)). Nous sommes également désireux de voir ce qu’il y a moyen de faire concrètement pour lutter contre les incivilités commises par des jeunes (puisque c’est eux qui sont principalement visés par les nouvelles mesures) et d’activer d’autres réponses aux difficultés rencontrées (éducative et pédagogique).

Chaque commune est libre de prévoir ou non dans son règlement de police le recours à ces mesures : il s’agit de facultés supplémentaires ouvertes par la loi : à prendre et surtout à laisser !

Vos collègues humanistes et réformateurs d’autres communes l’ont fait : à Ottignies-LLN, Nivelles, Schaerbeek, Walhain, ils ont décidé formellement, en Collège de ne pas appliquer les SAC aux 14-16 ans et dans une série de communes, ils n’ont pas l’intention d’en discuter. À Watermael-Boisfort, Nivelles, Mont-st-Guibert et La Hulpe, le MR (parfois très majoritaire) a décidé de ne pas intégrer les nouvelles dispositions dans les règlements de police.

Nous proposons une motion relative à l’application de cette nouvelle loi :

Proposition de motion relative à l’application de la nouvelle loi relative aux sanctions administratives

 

Considérant que le pouvoir de poursuivre les infractions du Code pénal est de la compétence du Parquet et du pouvoir judiciaire.

Considérant que la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales a été adoptée sans évaluation objective et scientifique préalable sur le nombre de sanctions administratives imposées, sur le coût du système des sanctions administratives et sur l’éventuel surcoût qu’un système simplifié des infractions mixtes, à travers des protocoles d’accord avec le Parquet, aurait sur les communes.

Considérant que les difficultés d’assurer le suivi des infractions mixtes par le Parquet sont principalement dues à un manque de moyens de celui-ci que le Gouvernement fédéral transfère vers les communes à travers la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales.

Considérant que l’Union des Villes et des Communes Wallonnes estime que bien que les SAC doivent être liées au maintien de l’ordre public, certaines infractions au vu de leur gravité, doivent relever exclusivement des juridictions pénale. Afin d’assurer la mission de maintien de l’ordre public et la mission des pouvoirs locaux d’offrir un cadre agréable dans les espaces publics de la commune, les communes ne peuvent se voir attribuer des missions supplémentaires qui sont somme toute des missions destinées à pallier les difficultés rencontrées par le pouvoir judiciaire afin de permettre à ce dernier de fonctionner plus rapidement.

Considérant que les sanctions administratives communales font partie intégrante de la politique de sécurité communale, mais qu’elles doivent être un ultimum remedium.

Considérant qu’il faut lutter efficacement contre les troubles à l’ordre public dans le respect des libertés fondamentales et des droits de la défense qui sont à la base de notre Etat de droit.

Considérant que, bien qu’elle ne soit pas obligatoire pour les majeurs, la médiation ou la prestation citoyenne permettent au contrevenant de réparer le dommage causé par son infraction.

Considérant que la prestation citoyenne, comme travail au service de la collectivité doit permettre une sensibilisation et une réflexion, engagées, pour ce qui concerne les mineurs d’âge, avec des professionnels de l’éducation, sur la gravité de l’acte commis ainsi que ses conséquences sur la victime et la collectivité.

Considérant que les mineurs d’âge sont civilement non responsables et que donc toute amende imposée à un mineur d’âge sera payée par ses parents ou tuteurs.

Considérant que le nombre de SAC imposées aux mineurs de 16-18 ans est excessivement faible, et que diminuer l’âge minimum à 14 ans est stigmatisant envers les mineurs d’âge, inefficace et opposé à la logique de la protection de la jeunesse.

Considérant que la liberté d’aller et venir partout est une liberté fondamentale qui ne peut être limitée par une décision administrative d’un exécutif communal sans garanties de droits de la défense.

Le Conseil Communal

 

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins d’évaluer le régime des sanctions administratives communales actuellement mis en place sur le territoire de la commune, avec une attention particulière pour le coût de celui-ci ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de rendre obligatoire la médiation et la prestation citoyenne comme alternative à privilégier et à proposer au contrevenant avant d’imposer une amende ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de prévoir un accompagnement éducatif lorsque la médiation ou la prestation citoyenne sont imposées à des mineurs d’âge ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins d’évaluer le coût pour la commune d’une prise en charge de la poursuite de plus d’infractions mixtes avant une éventuelle conclusion d’un protocole d’accord avec le parquet, dont c’est la responsabilité et la compétence exclusive selon le Code pénal ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de donner la priorité à une police de proximité plutôt qu’à une multiplication des agents constatateurs ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de prévoir précisément qui peut accéder aux données personnelles du nouveau registre communal des SAC, à quelles données personnelles et comment ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de ne pas imposer d’interdiction temporaire de lieu et privilégier toute autre sanction ne portant pas atteinte à une liberté fondamentale ;

Demande au Collège des Bourgmestres et Echevins de ne pas abaisser l’âge minimum pour imposer des sanctions administratives communales et de privilégier toute piste éducative et pédagogique à une sanction administrative.

Charge le Collège des Bourgmestres et Echevins de l’exécution de la présente motion.


[1] Délégués aux droits de l’enfant francophone et néerlandophone, ministre de la Jeunesse de la Communauté française, ministre président de la Région Wallonne et de la Communauté française, Unicef, Ligue des droits de l’homme, organisations syndicales, Union des Villes et Communes de Wallonie, spécialistes du droit administratif, les Conseils de la jeunesse des trois Communautés, les organisations de jeunesse, dont écolo j et Jong Groen, mais aussi le Mouvement des jeunes socialistes, les Jong VLD et les Jong CD&V,…

[2] Pour 2011 : 107 dossiers concernant les nuisances sonores ; 286 dossiers concernant l’entretien de la voie publique ; 744 dossiers concernant la propreté sur la voie publique.

[3] Mais force est de constater qu’elles doivent nécessairement être accompagnées d’autres mesures d’aménagement urbain, de prévention, de sensibilisation… Il est impossible de poster un agent constatateur derrière chaque personne qui circule dans notre Ville et son action, de toute façon, ne se produit que trop tard, lorsque l’infraction est commise, alors que l’on souhaite justement qu’elle ne le soit pas.