CC 31/03/09 Les terrasses à Verviers

Publié le 5 avril 2009
Rédigé par 
kriescherph

Intervention de Geneviève Minguet

Notre deuxième étape d’un petit tour de l’urbanisme à Verviers voudrait aborder les terrasses,
vérandas, baraque à fiites et autres occupations de l’espace public.
La récente plainte d’un commerçant à qui la commune refuse l’installation d’une terrasse
couverte vient d’ailleurs de remettre le problème à l’ordre du jour.
Notre groupe a donc consulté les travaux de trois juristes spécialisés en matière
d’aménagement du territoire: Messieurs Pâques, Delnoy et Van Ypersele. Et ce qu’ils disent
pose sérieusement question quant à la gestiôn de ces terrasses à Verviers.
PERMIS D’URBANISME NECESSAIRE
En son article 84 le CWATUP énonce la liste des actes soumis à permis. Parmi ceux-ci on
peut lire :
«Nul ne peut, sans un permis d’urbanisme (..) ériger un bâtiment ou un ouvrage, ou
(…) placer une installation (…) dont l’appui assure la stabilité, destiné à rester en place
alors même qu’il peut être démonté ou déplacé.»
Ceci concerne les terrasses telles que nous les connaissons à Verviers.
En effet, il s’agit de constructions nées d’un assemblage de matériaux qui tiennent au sol en
raison de leur poids propre. Selon la jurisprudence, cette seule considération suffit pour
reconnaître que la construction tient au sol. La Ville de Nivelles a d’ailleurs gagné un procès
et fait démonter une terrasse litigieuse sur cette base.

Certes, le CWATUP autorise certaines terrasses sans nécessiter de permis. Elles sont décrites
à l’article 262. Il s’agit des terrasses ouvertes, saisonnières et dont la surface n’excède pas 50
m2; ce n’est pas le cas ici.
PERMANENTES OU PAS ?
Cette question n’est pas sans intérêt. D’une part, le caractère permanent de ces vérandas est
évident, même si ces constructions peuvent être démontées.
D’autre part, notre Ville se contente pour autoriser ces constructions d’une décision du
bourgmestre, accompagnée d’un avis technique de la police et du service de l’urbanisme. Il
s’agit donc d’une permission de voirie, et pas d’un permis d’urbanisme. En effet, l’installation
d’une terrasse se fait sur la voie publique. Dérogeant à la règle qui veut que l’espace public ait
vocation à servir à l’usage de tous; cette installation doit obtenir au minimum un permis de
stationnement si elle est temporaire. Dans le cas où l’occupation revêt un caractère permanent
de fait, elle doit obtenir une permission de voirie. Ce qui semble être le cas à Verviers. Même
si cette permanence est relative dès lors que l’autorité peut y mettre fin dès que l’intérêt
général l’exige, paradoxalement, le fait que la ville octroie un permis de voirie et non de
stationnement confirme bien le caractère permanent de ces installations! Et donc une
nouvelle fois suppose un permis d’urbanisme et non de voirie. Comme l’explique partout la
jurisprudence.

Bref, selon ces spécialistes, toutes ces terrasses couvertes et permanentes sont donc illégales à
Verviers, puisqu’aucune ne dispose d’un permis d’urbanisme. Juridiquement, nos
commerçants et la Ville sont dans une situation très précaire.
RENTABILITE A MOYEN OU LONG TERME ?
Cette intervention ne se résume pas à demander une application réglementaire du Code de
l’Aménagement de notre territoire. Elle pose la question de l’intérêt qu’il y a à maintenir ou
non ce genre de construction, ou mieux encore la question de la qualité de ces constructions
qu’il faut définir et encadrer.
Chacun a pu constater que les terrasses couvertes s’imposaient petit à petit depuis près de
vingt ans dans le paysage horeca du centre urbain. Selon Ecolo, ce sont les dernières
installations qui posent le plus problème. L’une est située du côté nord de la place du Martyr,
l’autre au dessus de Crapaurue. Bien qu’on ait maintenu une largeur de passage réglementaire,
elles empiètent chacune de façon très importante sur le passage normalement dédicacé aux
piétons. L’une d’elles est même construite sur une bouche d’incendie, à laquelle les pompiers
accèdent par une petite trappe après avoir ouvert la porte de la véranda dont ils ont la clef !
Oui, ces terrasses répondent à une demande, et améliorent probablement à court terme la rentabilité d’un établissement horeca. Oui, elles contribuent d’une certaine façon à la
convivialité au centre-ville, et à une demande des clients. Il s’agit de rentabilité à court terme.
Malheureusement cette rentabilité immédiate se paie à la longue. Qui, dans cette assemblée,
pourra soutenir que ces excroissances généralement en bois ou en PVC améliorent de façon
substantielle la qualité urbanistique et architecturale de notre ville? Certes les goûts et les
couleurs, ça ne se discute pas. Mais qu’on le veuille ou non, il y a des règles de bon
aménagement, et parmi ces critères vous retrouverez l’équilibre, la proportion, le respect des
matériaux, l’harmonie entre les parties et le tout, entre les pleins et les vides… bref des
notions capitales dont l’application permet de distinguer sans peine un urbanisme de qualité
d’un urbanisme quelconque sinon catastrophique.
C’est tout le visage du centre ville qui prend de plus un plus un aspect bricolé et peu avenant
de baraques de fortune… même si pour certaines on essaie de rattraper la sauce en faisant
croire que c’est Noël toute l’année avec force guirlandes! On se désole de voir le centre ville
de plus en plus déserté par les groupes sociaux aux revenus élevés. Mais ceux-ci ont fait leur
choix et rejoignent les villes qui, pas très loin de nous, ont fait de la qualité un des fondements
de leur urbanisme. Ce qui finit par payer en attractivité, en ambiance.

Précisons cependant que notre intervention n’est pas dirigée contre le secteur Horeca. A Mons
une concertation a été mise sur pied qui a abouti au développement d’un concept commun
pour les terrasses du centre ville sans vérandas en façade. La Grand-Place de Mons est
aujourd’hui citée en exemple. C’est un choix, qui comporte des contraintes mais qui permet
aussi de gagnerà longterme.

A Verviers, au nom d’un certain pragmatisme, d’un supposé bon sens ou d’un réalisme, on
applique le minimum minimorum des législations existantes, pour ne pas compliquer la tâche
des investisseurs. Mais nous le payons sur le long terme. Notre intervention précédente
concernant l’ancien Charlemagne de la place du Martyr illustrait déjà ce laissez-aller, la nonutilisation
d’outils règlementaires qui permettent d’améliorer le centre-ville au jour le jour, sans
devoir faire de grands projets pharaoniques. .
Pour terminer cette intervention je voudrais poser les 4 questions suivantes:
Quelle va être l’attitude de la Ville face à l’illégalité des terrasses actuelles et face aux
demandes futures?
Au cas où la ville ne bouge pas, quelle sera la légitimité du Collège pour encore délivrer des
permis dès lors que l’autorité publique adopte une attitude conciliante face à des infractions
d’urbanisme flagrantes?
N’est-ce pas l’occasion de remettre les choses à plat et de définir enfin un plan qualité pour
les aménagements urbains?
N’est-ce pas aussi l’occasion de prendre exemple sur d’autres villes et d’organiser avec le
secteur Horeca une réflexion sérieuse sur la façon de donner à notre centre ville une autre
vision que celle, étriquée, qu’il présente aujourd’hui?
Je vous remercie de votre attention.
Geneviève Minguet
conseillère Ecolo